LE PHARE DE RE – 19/09/2012

Marguerite Duras dans les murs de la prison et de La Maline

Théâtre

La compagnie Le Rocher des Doms s’est installée en résidence à La Maline pour finaliser sa dernière création, une nouvelle adaptation du roman de Marguerite Duras, l’Amante anglaise. La toute première représentation est programmée vendredi 21 septembre. Plus de trente ans après la première version de cette pièce avec Michael Lonsdale en tant qu’acteur, on retrouve ce dernier dans la mise en scène qu’il partage avec Jacques Fornier.

Marguerite Duras dans les murs de la prison et de La MalineLa compagnie Le Rocher des Doms s’installe en résidence à La Maline pour une durée de presque deux semaines. Objectifs : finaliser de nombreux aspects techniques de la pièce qu’ils ont choisi d’ajouter à leur répertoire, l’Amante anglaise, écrite par Marguerite Duras sous forme de roman en 1967, adaptée pour le théâtre en 1968. Michael Lonsdale en est l’un des premiers interprètes. Il joue à l’époque le rôle de l’Interrogateur. Il est aujourd’hui l’un des trois metteurs en scène de cette nouvelle version du drame. Sylvain Marmorat, fondateur de la compagnie, raconte leur rencontre : “Il jouait l’Échange de Paul Claudel, en 1989. Son jeu m’avait impressionné de facilité, j’avais trouvé cette aisance fascinante.” Plus tard, c’est un casting auquel la compagnie s’inscrit qui les amène à se rencontrer. “J’ai su immédiatement que nous allions nous revoir. Et puis nous avons travaillé cinq ans ensemble.” Ainsi Michael Lonsdale a-t-il répondu à la proposition de Sylvain Marmorat de jouer dans la pièce par un contre-pied : il acceptait, mais à condition d’en être plutôt l’un des co-metteurs en scène, le fondateur de la compagnie endossant le rôle de l’Interrogateur.Et puis, comme si la puissance de Michael Lonsdale ne suffisait pas, la compagnie s’entoure des talents d’un autre grand monsieur du théâtre, Jacques Fornier. Fondateur du Centre dramatique de Bourgogne, il accepte la co-mise en scène de l’Amante anglaise. Sa spécialité : la direction d’acteurs, qu’il fait travailler sur l’imagination, apportant ainsi une touche supplémentaire d’un travail qui va dans le sens de la limpidité. La collaboration se fait sous forme de séances de travail, chacun à tour de rôle, et à des moments-clés du montage du spectacle. “Ils sont nos premiers spectateurs”.Des spectateurs de choix

Si les grandes intentions de la pièce sont ainsi travaillées en amont, du côté de Dijon, lieu de résidence principale de la compagnie, ici, en résidence secondaire sur l’île de Ré, à La Maline, ils finalisent. Les questions de son et de lumière sont au coeur de leurs préoccupations, avec une pression supplémentaire : à l’issue du séjour, ils joueront la pièce pour la première fois, ici, vendredi 21 septembre, à 21h. Sans compter l’avant-première de ce mercredi, devant les détenus de la maison d’arrêt de Saint-Martin.
Marguerite Duras disait à propos de cette pièce qu’elle était une réponse aux interrogatoires judiciaires qu’elle trouvait fort mal menés. “Dans l’Amante anglaise, effectivement, et c’est tellement plus intéressant, il ne s’agit pas d’avouer. Il s’agit de savoir pourquoi”, résume Christian Fregnet, qui joue le rôle du mari, Pierre Lannes.

La menthe anglaise

La pièce est en deux temps. Deux interrogatoires. A propos d’un meurtre, aussi cruel qu’inexpliqué. Qui interroge ? À quelles fins ? De quel droit ? Où la scène se déroule-t-elle ? Nul ne le sait, ni ne veut le savoir, au bout du compte. Le mari et la femme, les deux seules personnes interrogées ne se croisent pas. “Ce sont les questions qui se croisent” explique Laurence Boyenval, dans le rôle de la très dérangée Claire Lannes, l’épouse. Pendant une belle heure, c’est effectivement le cheminement qui porte. De questions en suspens à des réponses troublantes, les personnages se dessinent. D’interrogations troublantes en réponses d’une naïveté ou d’une franchise déconcertante, l’histoire se précise. “Mais qui a intérêt à ce que j’aille en prison ? Personne, et tout le monde, je ne sais pas”. Une autre vision de la justice s’ébauche. Dans le dénuement de la scène, une chaise, un pupitre tout au plus, la précieuse sobriété recherchée à force de travail par Sylvain Marmorat et sa troupe apparaît. Tout comme l’explication de ce titre l’Amante anglaise…
La compagnie repartira pour sa Bourgogne dès après. De nouveaux rendez-vous sont fixés avec les deux prestigieux metteurs en scène. Une tournée démarrera ensuite en fin d’année. Mais le privilège, là, c’est d’assister à la première de ce spectacle prometteur, dans les murs de La Maline.

Blandine Giambiasi

2 Comments

  1. Le Phare de Ré est le journal local de l’Ile de Ré. Cet article a été écrit par la journaliste Blandine Giambiasi. Le titre de ce paragraphe n’est pas une erreur, mais un petit clin d’oeil au contenu du texte. Pour en avoir l’explication, il faut venir voir le spectacle. Alors à bientôt !

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